mercredi 24 août 2016

Galop d'Hermès: Décolleté cavalier


Plus qu’une griffe de luxe, Hermès relève en France du patrimoine national. C’est dire combien porte d’enjeux la première création majeure de son nouveau parfumeur-maison, Christine Nagel (son Eau de rhubarbe écarlate relevant plutôt du galop d’essai). Difficile, donc, de lire en Galop d’Hermès un simple parfum, plutôt qu’un palimpseste d’influences passées, de concurrences actuelles ou de lignes esthétiques à venir.

En offrant à Galop un classement olfactif peu courant, le « floral animal » -- expression de « la part animale en chacun de nous » -- et doublant sa rose de cuir, le nouveau nez d’Hermès lance un message à la fois culotté et rassurant (oud et fruitchouli ? que nenni !). On pourrait aussi y flairer une frappe préemptive contre la collection inaugurale de certain concurrent, où figurent deux cuirs. Mais on n’a pas mauvais esprit.

Limpide à l’ouverture, Galop d’Hermès semble prendre le relais, par l’éclat vert soufre de son bourgeon de cassis, de ces accents de pamplemousse qui ont souvent éclairé les compositions de Jean-Claude Ellena. Mais dès qu’il atteint sa pleine allure, sa rose moelleuse et poudrée prend une certaine allure de classique 90s. Question de pedigree : Christine Nagel a jadis offert à Lancôme un Mille et une roses, édition limitée déclinant le trésor olfactif de la marque à la rose…

A priori opposés, la rose et le cuir se rejoignent pourtant par des chemins de traverse olfactifs, des baies à l’abricot et du tabac au tanné, fusionnant la rose au cuir dans un hybride au toucher velouté de pétale et de peau (de pêche). Le cuir, perceptible sur toute la longueur, double ces effets sensuels d’un courant plus sombre, plus amer, plus tendu.

Synesthésie dictée par la marque ? Si la publicité de Galop parcourt plutôt une palette sable, grège ou ivoire, on y flairerait plutôt l’orange et le rouge Hermès – couleurs de rose ou de Kelly. Sensuel, adulte, discrètement enjoué (mais pas forcément aussi fougueux que son nom ne le laisserait entendre), ce parfum affiche une assurance cavalière assez aristocratique (le cuir n’a jamais été une note populaire), mais une coupe assez épurée pour lui donner une allure contemporaine.

Étant donné ses notes (segmentantes, comme on dit), son prix (certes, l’époustouflant flacon en forme d’étrier est rechargeable) et sa concentration (un extrait), ce Galop d’Hermès ne vise sans doute pas à procurer à Hermès un équivalent féminin à Terre. Mais il offre à cette gamme qui, depuis l’arrivée de Jean-Claude Ellena, s’est offert l’immense luxe d’un propos olfactif, une dimension un peu délaissée depuis 24 Faubourg : le moelleux d’un décolleté.

 Illustrations: à la soirée de lancement de Galop d'Hermès durant la projection du film publicitaire chorégraphié par Angelin Prejlocaj, photo prise par moi; packshot du flacon, courtesy Hermès.

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