lundi 31 mars 2014

Byredo Flowerhead: Brideshead revisited

If anyone can work out the niche/visual conundrum, it might well be Ben Gorham. Byredo, bought last year by Manzanita, the UK-based private equity company that owns Diptyque and Space NK, has certainly got the means. It’s also reaching a critical mass, since it outsells major fashion-brand perfume lines in some department stores.

But most of all, Gorham, an art-school graduate, has the type of culture and mindset that allows him to think in visual terms without falling into beauty industry clichés. He’s also got the right friends: the French graphic design duo M/M (Michael Amzalag and Mathias Augustyniak) and the photographer team/couple Inez van Lamsveerde and Vinoodh Matadin, both of whom work in music, contemporary art and fashion. Indeed, in many ways, Byredo seems to be conceived more like an indie fashion or design brand, or to a music label, than to a perfume house.

Gorham started tackling the visual issue obliquely in 2010 with M/Mink, based on a visual brief by M/M and illustrated by pictures by Inez & Vinoodh “with the traditional beauty aspects painted over” by M/M, Gorham explains. Last year’s 1996, initially created for Inez &Vinoodh, was inspired by one of their pictures, which illustrates the box.

With Flowerhead, Gorham has taken the process one step further by designing his own visual (above), a somewhat surrealistic interpretation of the scent’s inspiration – an Indian bride’s floral headdress – “shot as a still-life”, Gorham says. At the Parisian press presentation, he explained that this was just “scratching the surface”: he’s currently developing other visuals for Byredo, with M/M very much on board.

While the picture is dominated by a red and orange palette, the scent itself is on the green-white spectrum. Gorham, who worked as usual with Robertet’s Jérôme Épinette, bypassed the default-setting, Indian-inspired palette of sandalwood, incense and spices to focus entirely on fresh flowers. “I had a fear of florals”, he admits, because they’re so “traditional and quite old-fashioned”. But after realizing that in a collection based around his memories, “there was an overrepresentation of woody and incense”, he has been working on the theme.

With flowers on his mind, he launched the muguet-themed Inflorescence last year. Its name is actually related to Flowerhead’s since a flower head is a form of inflorescence: a cluster of hundreds of tiny flowers that look like a single blossom. In this regard, Flowerhead is true to its namesake botanical form: its tuberose, jasmine sambac and rose combine into a natural-smelling floral hybrid.  

The picture shows marigolds: Gorham and Épinette tried to include tagetes, but its dried banana-daisy facets didn’t work out. Flowerhead is therefore focused on tuberose and jasmine sambac. Low on lactones. High on green. The menthol facets of tuberose in the top notes, but mostly the cut-stem notes of angelica (along with a tiny bit of its celery facet) and of the materials used to create dewy florals. Lemon and a lingonberry note – the fruit, related to cranberry, is served as a jam with Swedish meatballs at Ikea – slice through the moist floral effects with their tartness, tying in with a citrusy-green “rose petal” accord.

The long-lasting floral note is anchored by a low-key amber and suede base that starts seeping through a few hours into the development. Its radiance borders on radioactivity: leave a blotter of it in a room and it’ll swallow up whatever other blotters are lying around. If you’re on the market for a fresh floral that is neither vampish nor simpering, this could hit your springtime sweet spot.

Flowerhead de Byredo: Floral sans soucis




Si quelqu’un peut résoudre la question du visuel dans le niche, c’est sans doute Ben Gorham. Il en a les moyens – Byredo a été racheté l’an dernier par le fonds d’investissement Manzanita Capital, qui compte également Diptyque dans son portefeuille. La marque suédoise a également atteint la masse critique qui lui permet de concurrencer les griffes de mode dans les grands magasins.

Mais surtout, Gorham, diplômé d’une école d’art, sait penser le visuel parfum en dehors des clichés de l’industrie de la beauté. Et il peut s’appuyer sur des complices qui oeuvrent à la fois dans le monde de l’art contemporain, de la mode et de la musique : le studio graphique français M/M (Michael Amzalag and Mathias Augustyniak) et le binôme de photographes Inez van Lamsveerde and Vinoodh Matadin. D’ailleurs, à plus d’un titre, le franc-tireur Gorham semble concevoir Byredo plutôt comme un label indé de mode, de design ou de musique que comme une marque de parfum.

Gorham s’est déjà attaqué à deux reprises à la question du visuel, d’abord en 2010 avec M/Mink, inspiré par un brief de M/M et illustré par des photos d’Inez & Vinoodh dont les éléments « beauté » traditionnels avaient été barbouillés par M/M. L’an dernier, 1996, d’abord créé pour Inez & Vinoodh, était fondé sur l’une de leurs photos, qui illustre l’étui.

Avec Flowerhead, Gorham aborde la question plus frontalement puisqu’il a créé une image pour le parfum (ci-dessus), interprétation surréalisante de l’inspiration du parfum – la coiffure florale d’une mariée indienne – photographiée comme une nature morte. Lors de la présentation parisienne de Flowerhead, Gorham précisait qu’il comptait aller beaucoup plus loin dans cette direction, en collaboration avec M/M.

Bien qu’une palette rouge et orange domine cette image, le parfum se situe sur un spectre blanc-vert. Gorham et Jérôme Épinette (Robertet) ont fait l’impasse sur le réglage par défaut de l’exotisme indien : ni santal, ni encens, ni épices. Que de la fleur. Thème olfactif que Gorham avoue redouter, parce qu’il est « traditionnel et assez vieux-jeu ». Mais comme dans cette collection fondée sur ses souvenirs, « le bois et l’encens sont surreprésentés », il s’y est attaqué récemment.

L’an dernier, déjà, il avait les fleurs en tête avec Inflorescence, qui travaillait le muguet. Ce nom est d’ailleurs lié à celui de Flowerhead puisqu’en botanique, le capitule (« flower head » en anglais) est une forme d’inflorescence regroupant des centaines de petites fleurs qui semblent n’en former qu’une. À ce titre, Flowerhead exécute le programme de son nom : tubéreuse, jasmin sambac et rose s’y combinent pour dégager une idée de fleur fraîche.

Si la tête de la photo est chargée de soucis – aussi connus sous le nom d’œillets d’Inde, ou tagètes –, le parfum n’en a pas : Gorham et Épinette ont tenté d’inclure l’ingrédient, mais ses facettes banane-marguerite ne se prêtaient pas à la note. 

La « tête de fleur » se concentre donc essentiellement sur la tubéreuse et le jasmin sambac, avec un minimum de lactones mais un bon shoot de verdure. Les aspects mentholés de la tubéreuse en tête, mais surtout des effets floraux moites et un côté tige coupée notamment dû à l’angélique (on décèle son petit goût céleri). L’acidulé du citron et de l’accord d’airelle rouge (baie scandinave qu’on sert en confiture avec les boulettes chez Ikea) déglace ces effets floraux tout en boostant l’accord « pétale de rose » vert hespéridé.

Cet effet floral acidulé-humide s’ancre sur une base ambrée/Suederal (daim, donc) assez discrète qui se laisse deviner au bout de quelques heures. Tenue marathonienne, radiance quasi-radioactive, entêtée, voire entêtante : une mouillette de Flowerhead, laissée quelques heures dans une pièce, dominera toutes les autres. Un floral printanier ni vamp ni nunuche – bref, contemporain – franchement bien gaulé.

vendredi 28 mars 2014

En kiosque: dans le N°70 de Citizen K, mon article sur les jus carte vermeille



Vive les vieilles !
Dans le numéro de printemps de Citizen K International, maintenant en kiosque – avec la mythique Gena Rowlands en couverture – je traite des « Sillages hors d’âge », ces jus carte vermeille censés nous offrir l’effet Proust en un pschitt…


Vous l’avez porté à vingt ans. Ou c’est un souvenir de tante Madeleine. Vous le débusquez sur l’étagère du bas d’une parfumerie, mouroir où les jus carte Vermeil attendent la disparition de leur dernière fidèle. Mais au lieu du flashback proustien, quasiment garanti sur contrat dès qu’on parle des parfums du passé, la mouillette affiche une Madeleine liftée façon Photoshop. Un parfum ancien, c’est un peu la version olfactive du vaisseau Argo « dont les Argonautes remplaçaient peu à peu chaque pièce, en sorte qu’ils eurent pour finir un vaisseau entièrement nouveau, sans avoir à en changer le nom ni la forme », disait Roland Barthes.


À lire en page 138. En plus des portraits de Gena Rowlands par Zoe Cassavetes (sa fille avec John), d'une interview de Pierre Soulages par Guillaume Durand et d'une ode à la "Beauté à l'ancienne" par l'irremplaçable Maïté Turronet.